Chère Dominique, Madame la Présidente,
Je t’écris en tant que Président élu de la SOFFCO-MM (Société Française et Francophone de Chirurgie de l’Obésité et des Maladies Métaboliques) et au nom de son Conseil d’Administration, pour faire suite aux résultats non encore publiés du groupe de travail de la HAS sur l’évaluation du Gastric Bypass en Oméga (encore appelé Mini gastric bypass ou Bypass à une seule anastomose).
Cette intervention a fait polémique tant au sein des chirurgiens, qu’au sein des médecins nutritionnistes impliqués dans cette chirurgie, et ce depuis près de 10 ans. En effet, aux vues des conséquences nutritionnelles particulièrement inquiétantes de cette intervention, nous nous sommes très tôt alertés et avons demandé via la CNAM, la saisine de la HAS pour envisager son évaluation. Des problèmes réglementaires ont retardé sa mise en route, mais finalement ce travail a été mené à terme. Parallèlement un PHRC (YOMEGA) a été organisé par plusieurs équipes françaises et les résultats de cet essai contrôlé randomisé ont été publiés dans le Lancet au milieu de l’année 2019, confirmant les conséquences nutritionnelles de cette intervention. Sans rentrer dans le détail, ces conséquences nutritionnelles sont clairement en rapport avec une anse bilio pancréatique longue (plus de 200 cm). Or, cette particularité avait déjà été remarquée par les équipes qui s’étaient investies dans cette technique, et en particulier l’équipe parisienne de l’HEGP ; cette dernière avait très concrètement préconisé de réduire la longueur de cette anse à un maximum de 150 cm, longueur qui réduisait de façon significative les conséquences nutritionnelles. A cette préconisation, une restriction dans les indications avait été spontanément menée aux seins des équipes la pratiquant. L’impact a même été noté par la CNAM, dans ses relevés annuels d’activité montrant que le pourcentage de cette intervention par rapport aux Bypass gastrique en Y (référence dans la nomenclature CCAM) était passé de 16% à 9% entre Mars et Juin 2019.
Aux vues des résultats non encore publiés du groupe de travail de la HAS, la CNAM a décidé de dérembourser l’intervention « Bypass gastrique en Oméga ». Rien de cela n’a été officialisé, ni les conclusions du groupe de travail de la HAS, ni l’avis final de la CNAM. Pour autant, le conseil d’administration de la SOFFCO-MM, par la voix de son Président a décidé de réagir à cette intention de décision particulièrement brutale et inédite en chirurgie digestive.
En effet, et sans rentrer encore une fois dans le détail, tous les outils pour l’évaluation de cette technique (je le rappelle très largement pratiquée en France) ont été mis en place en amont, en particulier par la CNAM, afin justement de séparer la cotation des deux types de Bypass.
Ainsi, il était tout à fait simple d'en restreindre les indications en précisant grâce à la demande d'entente préalable dématérialisée, ce que l'on souhaitait comme critères d’exclusion ; ceci avait été proposé lors des discussions avec la CNAM. Et grâce au recueil exhaustif du Registre mis en place par la SOFFCO, il pouvait y avoir une période moratoire avec une nouvelle évaluation à la clé.
Il faut aussi préciser, comme l'a fait remarquer un de nos anciens présidents et pionnier dans cette technique, le Pr JM Chevallier, que le BPGO est largement pratiqué et plébiscité dans le monde (ce qui n’est pas une garantie évidemment), et de nombreuses conférences de consensus internationales ont conclu à son efficacité, bien que des conséquences nutritionnelles étaient possibles et nécessitaient une surveillance importante.
Le déremboursement de cette intervention pourrait avoir des conséquences inattendues, en particulier médico-légales; en effet, on peut craindre un effet "prothèse PIP"; les patients ayant eu cette intervention pourraient porter plainte contre leur chirurgien ou les organismes et demander la transformation de cette intervention en BPG en Y, peut-être même aux frais de la CNAM. Il est de notre devoir et dans un esprit solidaire envers les collègues ayant pratiqué cette intervention de vous prévenir de cette éventualité.
Enfin, la nomenclature des actes en chirurgie bariatrique deviendrait incohérente, par la présence de la diversion bilio-pancréatique (intervention de Scopinaro, ou Duodenal switch), qui est inscrite sur la liste, très peu pratiquée en France, encadrée, et ayant des conséquences nutritionnelles toutes aussi importantes que le BPGO.
En résumé, la SOFFCO-MM souhaiterait que ces commentaires soient portés à la connaissance des membres du groupe de travail sur le BPGO, ainsi qu’à la connaissance du conseil scientifique et que leurs conclusions incitent la communauté chirurgicale à poursuivre le travail déjà débuté avec la CNAM sur les conséquences des interventions bariatriques, dans un cadre de restriction dont les critères sont déjà connus. Dans ce sens, la SOFFCO demande aussi que les recommandations sur la chirurgie de l’obésité établies par la HAS en 2009 soient révisées, car les conditions de sa réalisation ont considérablement changées sur les dix dernières années.
Je te prie, Chère Dominique, Madame la Présidente, de croire à mes sentiments respectueux.
Simon MSIKA
Président de la SOFFCOMM